Je n’aime pas mon appartement, non. Du moins, il est sympa, il y a très peu de touches personnelles, pour ainsi dire, aucune, mais il est… Je ne sais pas, il y a cette petite chose qui ne me donne pas envie d’y rester très longtemps. Je fais ce que je peux pour rester dehors le plus possible et n’y rentrer que pour y dormir. C’est stupide, je peux le comprendre, mais cet appartement me rend malade. Dublin me manque, mon ancien appartement me manque, ces deux dernières années me manque. La seule fois de ma vie où j’avais réussi à être potentiellement heureuse. Protégée, aimée, rassurée. Je n’avais rien à craindre, pas de Smith, pas des autres. C’était exceptionnel comme sensation. Aurais-je été réellement amoureuse sans que je puisse le voir ? Aurais-je quitté le seul homme qui aurait pu recoller chaque infime morceau que mon père avait tant passé de temps à détruire ? Non. C’était moi qui devais faire ça, toute seule, comme toujours. D’une certaine manière, mon père avait fait une chose fantastique : Il m’avait appris à vivre seule, à ne pas déprendre des autres, à faire en sorte que moi seule disposait des cartes en mains pour faire de ma vie quelque chose. J’avais réussi à trouver quelque chose de positif à la façon dont il m’avait traité pendant la majeure partie de ma vie. Je devais être devenue folle. Mon père était alcoolique et ma mère…Je ne l’ai jamais vu, pas même en photo, je n’avais jamais su qui elle était, elle était peut-être folle. Sans doute pour ça qu’elle s’était faite engrossé par ce vieux con. Je m’en voulais de penser ceci d’elle, mais avais-je eu l’occasion de penser autrement ? Je pouvais très bien m’en faire une personne fabuleusement belle, douce, tendre, attentionnée, ce que doit-être une mère. Mais quand je vois ce qu’est devenu ce parasite qui me sert de père, j’ai du mal à me dire qu’une femme normalement constituée ai pu l’aimé.
De retour au Mystic Grill où je passais beaucoup de temps, maintenant. J’avais appris à ne plus sortir la nuit seule, ce qui me dérangeait profondément. J’aimais la sensation d’être seule sur Terre lorsqu’il faut nuit, lorsque la seule lumière est la lune, mais après le dernier acte quelques nuits auparavant, je n’osais pas. Je n’aurais pas toujours Elijah pour me sauver, alors je jouais profil bas. Je commençais à me faire à l’idée de ma vie ici et ça avait le don de me révulsait. Mon pays me manque !
Mon ordinateur portable avec moi, je regardais les photos qui s’y trouvaient. Moi en shooting et j’étais étonnée de voir à quel point mentir est si simple, un sourire est si facile à bâtir. Toute une personnalité autour d’un faux semblant. Il était plus simple de sourire, d’être appréciée, d’avoir du monde autour sans pour autant se sentir seule. Je faisais défiler les photos jusqu’à tombé sur une de Martha & moi. C’était enrageant de voir ça, elle avait été mon amie et maintenant, elle non plus, elle ne faisait plus partie de ma vie. Elle n’était qu’un fantôme de mon passé qui me rappelait à quel point, sur Terre, nous naissons seul et nous mourrons seul. L’Irlande. Je voyais mon pays défilait sous mes yeux, Galway et Dublin, bien sûr, mais d’autres villes, les côtés, les montagnes, la verdure. Si j’avais été dans un endroit plus tranquille, sans doute qu’une faiblesse humaine, sous les traits d’une larme, aurait gâché ce moment, mais pas maintenant, pas là.
J’avais fini mon verre, on m’en apporta un autre et je la vis. Je ne sais depuis combien de temps elle était là, mais elle m’observait. Un coup d’œil autour de moi, pas de toute, elle me regarde-moi. Je soutiens son regard quelques secondes, dans l’espoir qu’elle arrête. Un groupe de personne passe entre nous et après leur passage, elle n’est plus là. Je regarde à nouveau autour de moi, voir où elle est, mais je ne la trouve pas. Haussant les épaules, je continue de regarder les photos défilantes.

Surprise, je l’étais. Je n’étais pas aux aguets, j’étais dans mes pensées et cette femme que j’avais vu ne m’avait presque pas sauté aux yeux, mais lorsqu’une voix retentit à mes côtés. Ses paroles, cette gestuelle, tout ça m’a surpris.
Je relevais  le regard vers elle, surprise, oui. Interloquée, oui. Grande, blonde, avec un petit quelque chose qui prouvait qu’elle était sûre d’elle. Elle avait quelque chose, aussi, d’intriguant. J'avais remarqué ça chez les gens ici. Ils avaient un petit quelque chose d'intriguant chez certaines personnes. Il y avait quelque chose d'étrange qui me faisait froid dans le dos. Alors quand je rencontrais quelqu'un, j'étais assez sur mes gardes, encore plus que d'habitude. J’arquais un sourcil en la détaillant, puis hochais la tête. Avais-je véritablement le choix ? Néanmoins, la charmante demoiselle m’avait perturbé. Etait-elle lesbienne ? Non pas que je juge, loin de là, je ne suis rien au monde pour juger, mais je ne suis pas de ce genre-là.  
- Allez-y…
Je reportais mon regard vers les photos qui défilait devant moi puis reposais mon regard vers la dame en face de moi.
- Je peux faire quelque chose pour vous ?
Il y avait des places autour de ma table, elle aurait pu aller ailleurs. Elle aurait pu allez voir n’importe qui, mais elle était venue me voir, moi. Etant assez peu habituée au contact humain, j’étais un peu sur mes gardes. J’en voulais à mon père de m’avoir fait ça, mais surtout, peureuse, sur mes gardes à cause de lui, j’avais laissé peu de gens dans ma vie. D’ailleurs, dernièrement, j’étais partie en plaquant tout. J’avais décidé que Mystic Falls serait un renouveau, mais je devais admettre que c’était compliqué. Ca n'était pas aisé d'arriver dans un nouveau pays sans aucun repère, mais je n'étais pas du genre à prendre peur. J'avais eu assez peur dans ma vie pour avancer à taton et sans être anxieuse. C'était difficile, mais je comptais y arriver. Je me le devais, pour ne pas être partie pour rien.

Elle n’avait pas l’air tout à fait méchante cette blonde en face de moi, mais que l’on rentre dans mon espace personnel, alors que je ne la connais pas, que sur mon front était marqué « ne pas dérangez » plutôt qu’autre chose. Néanmoins, les règles de bienséances étaient peut-être différentes dans ce pays bien éloignés du mien. Voyant qu’elle commençait à se présenter, je compris que je n’arriverais pas à la faire partir. Soit, faisons avec. Ne pas oublier, ici, dans cette nouvelle vie, dans ce pays, je dois reconstruire ma vie, je dois faire un effort. Je dois me faire violence pour ne pas être définitivement seule. Je ne le laisserais pas gagner. C’est ici que je grandirais.
- Je m’appelle Donna. Enchanté.
Ainsi, je lui rappellerais une amie. Je me mordis la lèvre une seconde. Elle avait visiblement perdue son amie pour ainsi entrer dans mon espace privé, mais aussi pour s’incruster comme ça tout simplement. Il est vrai que si je pouvais apercevoir quelqu’un ressemblant à l’unes des personnes auxquelles j’avais tenus, je ferais sûrement la même chose. Un serveur passa par là et je lui demandais une bière. Ce n’est pas un des meilleurs brevages qu’ils ont ici, mais ça ferait l’affaire.
- Je suis désolée pour votre amie… Je veux dire, elle est morte, n’est-ce pas ?
Bravo Donna ! Mettre les pieds dans le plat, de cette manière, tu ne peux pas faire plus…outrageant ? Il est vrai que parler de la possible disparition de quelqu’un n’est pas la meilleure manière de commencer une discussion. Hésitante, je baissais le regard vers mon verre. Elle tenta par la suite de me rassurer. Elle ne me ferait rien ? Perplexe j’arquais un sourcil en la regardant. Nous étions dans un lieu public, elle ne pouvait rien me faire sans que quelqu’un le voit et n’agisse. Cette blonde était vraiment très étrange…

Elle semblait pensive lorsqu’elle me regardait. Etait-ce un souvenir qu’elle voyait en moi ? Un fragment de son passé ? Si elle était là, c’est que ça n’était pas si terrible. Du moins, c’est que cette personne à qui je lui faisais penser était une personne qu’elle avait aimé. Je n’osais imaginer ce qu’elle pouvait penser en me voyant. Se revoyait-elle rire avec cette personne ? Pleurait avec personne ? Se voyait-elle, plus jeune, plus heureuse avec un soutien sans faille ? Elle adore mon prénom ? C’était assez rare d’entendre ça. J’avais un prénom des plus communs, comme ma personne, j’étais assez commune en soi… Pourtant, dans ses yeux, je voyais de la tristesse. La même tristesse que je pouvais voir dans mes yeux lorsque je me regarde le matin.
« Merci beaucoup,oui elle est morte et mon meilleur ami aussi,ça remonter loin mais,je n'ai jamais su oublier. »
Je me mordis la lèvre lorsqu’elle me parla, j’étais triste pour elle. J’avais perdu mon entourage, mais seule ma mère était morte. Je n’avais pas eu de personne pouvant m’apprendre à me maquiller, à m’habiller, à faire face aux tracas féminin en tout genre. J’avais passé outre les disputes amoureuses, à mesure où je n’avais eu personne dans ma vie si ce n’est Smith que je venais d’abandonner.
- Je suis désolée… Je suppose que l’on n’oublie jamais les personnes qui ont comptés dans nos vies…
Je n’avais jamais oublié mon père, ça n’était pas forcément bien, au final, j’avais tout fait pour l’oublier, mais il était toujours dans un coin de ma tête, à me hanter. A guetter le moindre de mes gestes, alors qu’il était, à présent, à des milliers de kilomètre de moi. Elle me demanda si j’avais quelqu’un dans le coin et je pense qu’elle vu dans mes yeux à quel point sa question me posa un problème.
- Je n’ai… Je n’ai personne.
Elle pouvait entendre à mon accent que je n’étais pas d’ici. Il était clair qu’on pouvait dire que je n’avais personne. Dans ma famille, je n’avais qu’un père et maintenant, c’était fini, tout était fini.
- Et toi ? Tu as de la famille ici ?
Je lui adressais un léger sourire en finissant mon verre.
- Ça m’a l’air d’être une jolie ville, non ? Je dois dire que tout est assez différent de chez moi.