« Isaac ! Isaac ! »

Ce fut en entendant mon prénom que je revins brusquement à la réalité, clignant des yeux à plusieurs reprises sans comprendre comme si je m'éveillais d'un rêve. Qu'est ce qu'il s'était passé ? Où est-ce que j'étais ?
La dernière chose dont je me souvenais c'était d'être en train de courir après Theo dans le jardin de l’orphelinat et puis plus rien, plus le moindre souvenir, le trou noir.

Theo c'était mon meilleur ami, comme moi il avait grandi ici en Pologne, dans un orphelinat catholique, ses parents étaient morts dans un accident de voiture alors qu'il était chez sa nourrice, il n'avait pas d'autre famille.
Moi je ne savais pas, on ne me parlait pas de mes parents, ni de ce qui leur était arrivé, et les rares fois où j'avais tenté de questionner les Sœurs, j'avais été suffisamment réprimandé pour en conclure que c'était tabou, que je ferais mieux de me taire. Ils n'étaient pas là et j'étais tout seul, ça devrait me suffire comme explications, du moins jusqu'au jour de ma majorité.
On en parlait souvent avec Theo du jour de notre majorité, du jour où on pourrait enfin partir d'ici, on avait décidé de partir aux États-Unis, de faire un road trip avec l'héritage de nos parents, on avait dit qu'on serait heureux.

Mais en baissant les yeux, je réalisais que Theo, lui ne serait plus jamais heureux, il était allongé sur le sol et du sang coulait de sa tête, une mare rouge qui s'élargissait, il ne réagissait plus, ne bougeait plus, ne respirait même plus, mon meilleur ami gisait mort, à mes pieds.
Je regardais autour de moi, paniqué, sans comprendre ce qu'il s'était passé et des mains me saisirent les bras, hurlant des mots que je ne comprenais pas, on me secouait, on me demandait ce que j'avais fait, pourquoi je l'avais fait et je ne comprenais pas. Je ne comprenais rien, jusqu'à ce que mes yeux se fixent sur mes mains, dans ma main gauche il y avait une pierre, une grosse pierre couverte de sang,...Le sang de Theo ?

En quelques instants j'avais fait le rapprochement et je me mis à me débattre en hurlant, c'était impossible, je n'aurais jamais pu lui faire de mal, c'était mon frère, mon frère de cœur, ma seule famille, la seule personne qui comptait pour moi. Il savait tout de moi, je savais tout de lui, on avait des projets, on avait tout prévu pour l'avenir, on allait partir loin, on allait être heureux.
Je hurlais en repoussant les mains qui me tenaient, ce n'était pas moi qui avait fait ça, je le jurais, ça ne pouvait pas être moi.

La suite fut encore pire, j'avais cessé de me débattre, épuisé parce qu'au fond je n'étais qu'un gamin et les Soeurs m'avaient jeté dans une pièce isolée en dessous de l'orphelinat, pour elles j'étais le diable et je ne devais plus jamais sortir à la lumière du jour alors qu'en réalité je n'étais qu'un enfant malade qui avait besoin d'aide.

J'avais huit ans, je venais de vivre ma première crise et de déclencher ma malédiction sans le savoir, ce que je ne savais pas non plus, c'est que je passerai les 10 prochaines années enfermé entre quatre murs.